mercredi 9 juin 2010

Détour en Afrique


"L'île est toute de sable, entourée de larges dunes blanches; au centre, des buissons au feuillages clair alternant avec les salicornes mordorées où le vent du large semble se reposer; il joue un instant entre les branches sèches et, tout imprégné du timide parfum de ces maigres broussailles, il reprend sa course sur la mer monotone. Sur quelques dunes plus élevées, des nids d'aigles posés comme des tas de bois. Plusieurs contiennent de gros oeufs verts tachetés de brun. A notre approche, le couple s'envole, remplit l'air de cris stridents et tournoie dans le ciel pendant que nous récoltons de quoi compléter notre dîner. Je trouve un certain nombre de ces oeufs assez frais pour être mangés.


Il est plus de minuit quand nous repartons; cette fois le vent est pour nous et un pagne attaché à une pagaie nous sert de voile. La brise est maintenant très faibles et la mer calmée ondule lourdement sous les étoiles. En approchant de Djibouti dont les lumières clignotent sur l'horizon, nous croisons les pécheurs arabes qui vont sur les bancs du large faire leur pêche nocturne. Ils partent au crépuscule, seuls sur leur pirogue. Arrivés sur les lieux de pêche, ils jettent leurs lignes de fond. Ils doivent attendre quelquefois plusieurs heures avant de relever leurs engins. Alors, couchés au fond de leur barque étroite, les yeux perdus dans le champs des étoiles, ils chantent pour ne pas s'endormir.

Souvent, par les nuits calmes, en pleine mer, j'ai entendu ces chants arabes, ces mélopées tristes sur des modes étranges, que le vent silencieux de la nuit porte au loin comme des fantômes. Ces voix mystérieuses semblent sortir des profondeurs de la mer. Par intervalles, elles se taisent et d'autres voix, très lointaines, répondent comme un écho.

Nous glissons rapidement à coté de quelques-unes de ces pirogues flottant inertes comme des troncs d'arbres. Au bruit de nos pagaies, une ombre se dresse. Nous échangeons un salut; mais déjà nous sommes passés et fondus dans la nuit.


Bien avant l'aube, je suis à Djibouti."

Henry de Monfreid, Les Secrets de la Mer Rouge.

1 commentaires:

Le Capitaine a dit…

Zuma Mama est juste parfaite! Merci pour la decouverte, sinon j'aime ce blog, lambiance aquatique et tout, franchement bon travail. Alor continue KerKarraje à nous fair découvrir des ptites perles :)
Moi aussi je viens de commencer un blog car j'en avais marre de voir mes potes ecouter de la merde ahah donc voila si tu peux y faire un ptit tour et encourager les ptit nouveaux :)
Continue à descendre aussi loin que tu peux le scaphandrier :)